Comment le groupe PSA prépare son futur ? Entretien avec Anne Laliron

A l’approche de la première année complète d’activité pour le Business Lab, l’entité chargée de la recherche de start-up et PME innovantes dans les domaines clés chez le groupe PSA fait son premier bilan. Avant la présentation à la presse des résultats complets, la Directrice du Business Lab Anne Laliron a accepté de répondre à nos questions en exclusivité. L’occasion de parler du futur de chez PSA, ses domaines de recherches, ses expérimentations, et ses premiers partenariats créés. Entretien.

Le Business Lab en 2016 au moment de sa création. Anne Laliron au centre.

Actu Auto France. Alors que la stratégie « open innovation » PSA était très centrée « produits et véhicules », comme vous l’aviez communiqué dans une interview à L’usine Digitale en décembre 2016, l’élargissement des explorations de terrains tourné grâce au business lab a permis selon PSA à s’ouvrir à de multiples sujets et domaines d’innovation nouveaux. Un an après la mise en place de cette unité tournée vers demain, quel premier bilan pourriez-vous tirer de cette année d’activité ?

Anne Laliron. Je vais vous répondre sur plusieurs aspects. Tout d’abord la première chose que l’on a mis en place et qui a porté ses fruits dès 2017 c’est le réseau : le réseau de partenaires pour aller détecter des nouvelles idées de business et des nouvelles start-up avec lesquelles travailler notamment. On a renforcé notre réseau d’open innovation avec le fond d’investissement iDinvest, dans lequel on a investi il y a un an (tout début décembre ndlr) et qui nous permet justement d’avoir un carnet contact de start-up vraiment pertinent par rapports à nos besoins. On a également renforcé notre partenariat avec Euratechnologies, avec le Village du Crédit Agricole, mais également à l’international avec le BFA (Business Factorie Automotive) en Espagne et puis un support à l’international : aux US et en Asie. L’élément important était de renforcer notre dispositif de captation d’opportunités et notamment dans le business et les start-up.

Les résultats chiffrés à ce stade sont qu’on a analysé environ 450 start-up (450 opportunités) sur des thématiques qui effectivement vont plus loin que ce que l’on faisait jusqu’à présent c’est-à-dire « véhicule et produits », et donc là on a un fort taux de start-up qui sont en lien avec la mobilité (plus de 30% en lien avec la mobilité), suivi du digital au sens large (marketing, l’après-vente), mais également le véhicule autonome et l’usine du futur qui sont les thématiques principales, mêmes si d’autres thématiques sont aussi dans la captation de Business Lab.

On est avec un porte-feuille d’opportunités de start-up européen et US, dont on a contractualisé 5% de ces contacts avec des start-up. Ce qui peut paraître faible, mais qui finalement est une bonne performance car on parle là de contrats effectués avec des sociétés que ce soit commercial pour un nouveau business ou contrat de partenariat stratégique pour certaines d’entre-elles.

On a également tout un volet d’expérimentation grandeur nature de nouveaux business. Ces projets d’expérimentation grandeur nature permettent d’aller vite et de s’assurer qu’il y a un véritable marché. C’est donc l’une des raisons d’être du business Lab : expérimenter de nouveaux business. A l’heure actuelle, 10 sont en cours, et 10 autres sont en préparation.

AAF. Entre la course à la technologie autonome et celle de la mobilité « verte », quelles sont les priorités du Business Lab, actuellement, et pour les années futures ?

A.L. Clairement, ce sont deux thématiques stratégiques pour nous. Du côté de la technologie du véhicule autonome, nous sommes en pleine expérimentation justement avec la start-up NuTonomy, start-up américaine basée à Singapour avec laquelle nous travaillons sur le niveau 5 d’autonomie de véhicule autonome c’est-à-dire sans conducteur. Il s’agit d’une expérimentation de « robot-taxis » grandeur nature dans Singapour qui est actuellement en cours, dont les véhicules sont arrivés sur place, sont en cours d’équipement et dont on devrait pouvoir les avoir sur les routes d’ici la fin de l’année, début 2018.

Au sujet de la mobilité verte, en septembre nous avons annoncé le lancement de notre offre avec la start-up française Demooz, qui a développé une plateforme web permettant de mettre en relation des clients qui ont déjà un objet avec des futurs acquéreurs qui se posent des questions sur l’usage de l’objet, son utilisation, etc. De cela, on s’est dit que les véhicules électrique étaient souvent sujet à un certain nombre de questions auprès de ceux voulant s’en acheter un, et que ceux qui quotidiennement en utilisait un étaient finalement les mieux placés pour y répondre. On a donc contractualisé ces projets d’expérimentation avec Demooz, pour faciliter la mise en relation de nos clients et de conducteurs de voiture électrique prêts à répondre à des questions que pourraient des personnes voulant accéder à ce type de mobilité.

Donc on reste vraiment centré sur les domaines choisis dès le départ par le Business Lab : les thématiques d’origine reste d’actualité. Mais il est aussi important de dire que le fait de rencontrer des start-up nous ouvre des opportunités auquel on aurait même pas pensé. Même si nos thématiques sont pré-identifiées, on ne se ferme pas à des opportunités qui arriveraient de part les contacts avec ces start-up.

AAF. On a vu en septembre dernier que PSA s’associait à KBRW dans le cadre de la distribution de pièces détachées par le service Distrigo, pourriez-vous nous en dire plus ? En quoi l’unité du Business Lab a-t-elle contribué dans le développement de ce partenariat entre le groupe de constructeurs français et l’entreprise ?

A.L. KBRW est un excellent exemple sur le déroulement de A à Z, typique de notre activité au sein du Business Lab. Tout d’abord nous avons été facilitateur dès le départ dans la détection. On a détecté KBRW en terme de potentiel lors d’un événement de la Bpi, et après avoir pré-analysé le fait qu’il pouvait être intéressant de travailler avec eux sur la gestion pièces et services, on avait identifié en interne un porteur de projet tout à fait motivé pour travailler avec cette société.

Sans le Business Lab, on aurait eu beaucoup plus de difficultés de part les processus traditionnels du groupe (PSA ndlr) au niveau des modes de fonctionnement (quand les grands groupes automobiles sont habitués à travailler avec des fournisseurs d’une taille beaucoup plus élevée ndlr). Travailler avec des start-up n’est pas toujours évident pour des grands groupes. La capacité du Business Lab a été d’élaborer très rapidement un contrat de collaboration simplifié et de passer très rapidement une commande pour réaliser une expérimentation. En l’espace de 4 semaine, on a pu prendre contact, contractualiser et passer une première commande. Un temps record, alors qu’un processus classique aurait pris beaucoup plus de temps.

Enfin, autre aspect très important, c’est la culture du « start-up spirit »: le vocabulaire associé aux start-up, comment travailler avec des start-up, avoir les bons réflexes, arriver à se comprendre mutuellement, des éléments clés également qui ont aidé PSA à collaborer. Au final, ce contrat avec KBRW aura permis une réduction de 96% des taches administratives sur la gestion des stocks. C’est incroyable.

AAF. Alors que PSA avait annoncé que 8 personnes travaillaient pour Business Lab à travers trois villes (Paris, San Francisco et Singapour), pourriez-vous nous dire quelles ont été les spécificités de chacun de ces trois lieux ?

A.L. Paris c’est le premier lieu de l’écosystème français et européen. Paris rayonne de plus en plus au niveau européen sur l’écosystème des start-up. On a en France a peu près 250 dispositifs d’accompagnement de start-up. C’est donc une zone centrale pour les capter en Europe. Par ailleurs, Paris c’est également central par rapport à PSA et nos équipes. Il y a donc une proximité importante. C’est idéal pour exécuter les choses rapidement.

En ce qui concerne Singapour, ce qui nous a beaucoup plus dans ce pays c’est sa capacité à faire des expérimentations (de voitures autonomes ndlr) très rapidement avec des zones de plus en plus grandes en milieu urbain dans la ville de Singapour, dans lesquelles il y a une autorisation du gouvernement et du Ministère des transports pour mener des expérimentations sur routes ouvertes et en milieu urbain. Par ailleurs, à Singapour, il y a un concentré de grands groupes internationaux et de start-up avec lesquels on peut aussi travailler.

Enfin, San Francisco, la Silicon Valley, des solutions de mobilité assez innovantes. J’aurai donc tendance à dire que dans la Silicon Valley il y a évidemment beaucoup de start-up à rencontrer et avec lesquelles collaborer.

AAF. Dernière question, plus personnelle, en juin dernier vous aviez été conviée à parler de votre expérience, sur scène, dans la série de petites conférences baptisée « Coup de projecteur Femme innovante« , dans laquelle vous aviez insisté sur la place de l’humain dans votre carrière, notamment depuis 8 ans chez PSA. En conclusion de cet oral vous aviez encouragé le public et les internautes à « libérer leur côté humain ». Dans un monde où la voiture sans conducteur précise des dates à court terme pour arriver à des véhicules 100% autonomes, que pensez-vous justement de la prise de dessus de la machine face à l’intelligence de nous, êtres humains ?

A.L. Waw ! Ça c’est une magnifique question ! Et bien mon point de vue personnel c’est qu’en tout état de cause, l’intelligence artificielle et la voiture autonome doivent être au service de l’humain et doivent être conçus pour que justement l’expérience humaine soit la plus agréable possible, la plus facile et intuitive possible. Toute cette évolution des technologies n’a de sens que si elle apporte un véritable confort et une véritable valeur ajoutée à l’être humain. Cela doit rester au centre de nos préoccupations.


Propos recueillis par Hadrien Augusto

Photos PSA Groupe Media Center

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