Baisse de la mortalité routière : merci aux 80 km/h ?

Plusieurs jours après la diffusion des chiffres de la mortalité routière, le gouvernement reste en retrait de tout constat. Par ailleurs, déjà, certains élus et professionnels veulent mettre en avant la part qu’a pu avoir la mesure, deux mois après sa mise en place. Peut-on vraiment associer la baisse du nombre de morts sur les routes avec la mise en place de la limitation à 80 km/h ?

Les chiffres, rendus publics par l’Observatoire national interministériel de la Sécurité routière (ONISR), rendent agréablement surpris. En l’espace de 3 mois, l’organisme rattaché à l’Etat a enregistré la plus forte baisse de la mortalité routière en métropole. Avec un repli de 15,5 %, ce sont 251 décès qui ont été enregistrés lors des quatre semaines du mois d’août, contre 297 sur la même période en 2017. Des statistiques pour le moins gratifiantes, tant le mois d’août fait partie des plus mortels.

Nullement isolée, cette baisse vient rejoindre les chiffres enregistrés depuis mai, là où la décroissance vis-à-vis de l’année précédente était de 8,4 %. Rebelote en juin, où l’on pouvait conclure à une réduction de 9,3 %. Par ailleurs, lors de ces deux mois, la mesure gouvernementale sur l’abaissement de la limitation de vitesse des routes à 90 km/h n’était pas encore de vigueur. C’est pourquoi, aucune enquête ou statistique n’est encore révélatrice des conséquences positives de la mesure.

Le gouvernement reste relativement neutre

A l’annonce du communiqué émis par la Sécurité routière, aucune justification n’a été ajoutée à la note pour expliquer un tel repli. En juillet – commentant les données de juin – des membres du gouvernement avaient déjà pu faire l’erreur d’insérer un mot sur la mesure phare de cette année 2018 en terme de mobilité : l’abaissement de la vitesse à 80 km/h sur plus de 400.000 km du réseau français. Ici, rien. Pas un seul sous-entendu. Le gouvernement a voulu prendre du recul et a préféré attendre plus tard les résultats de ses propres analyses vis-à-vis de cette mesure encore définie comme une expérimentation planifiée sur deux ans.

Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, a par ailleurs été désigné pour répondre aux questions des rédactions. Son point de vue reste assez neutre, mais l’homme n’hésite cependant pas à rapprocher les tendances avec les mesures politiques du gouvernement. Pour lui, il faut « se donner du temps pour voir », au sujet de la part des conséquences qu’a eu la baisse des limitations. Mais en douce, la mesure de la Sécurité routière est mentionnée : celle-ci aurait permis « une prise de conscience » dans le débat public, en venant à la conclusion que « depuis l’instauration des 80 km/h, on n’a jamais autant parlé des dangers de la route ».

« A tous ceux qui polémiquent stérilement »

Néanmoins, d’autres n’hésitent pas à promouvoir la mesure. Pour Maître Collard, avocate des victimes de la route, « ces 53 vies sauvées devraient faire réfléchir tous ceux qui polémiquent stérilement contre la politique de sécurité routière ». Bien que la mesure ait été mise en place récemment, la spécialiste n’hésitait pas à nous faire part de sa reconnaissance pour un gouvernement « qui a créé le choc salutaire, entraîné la baisse continue du nombre de victimes depuis quatre mois ». Une reconnaissance, ou plutôt la décision selon elle de faire partie de ceux qui accompagnent le mouvement, face aux élus « qui osent encore parler de racket ou attaquent la politique de sécurité routière, qui feraient bien de choisir entre le camp de la vie et celui de la mort ».

Sur le terrain, certains élus ont démontré leur mécontentement, comme par exemple dans le département de la Charente où 12 routes sont passées de 70 km/h pour limitation… à 80. Par ailleurs, d’autres y voient des avantages, à l’exemple de Jean-Paul Delmas, maire de la commune de Grenade-Sur-Garonne. Contacté par BFM-TV, l’homme explique : « nous avions à l’entrée de la ville un radar tronçon qui était à 90, et le fait de le mettre à 80, les gens rentrent moins vite en ville« . Un bon moyen pour sauver des vies, sur un tronçon où près de 23.000 voitures passent quotidiennement.

Pour l’heure, des constats économiques certains

Parmi les organismes historiquement opposés à la mesure, l’Association 40 Millions d’Automobilistes critiquait déjà l’expérimentation – à plus petite échelle – de l’abaissement à 80 km/h mise en place en 2015. En effet, l’association avait ainsi révélé que le nombre de blessés légers avait augmenté de 186 % sur la période d’essai. Des données difficilement concluantes, tant l’expérimentation de petite échelle possédait des chiffres aussi contradictoires que paradoxaux. Le conflit des chiffres et des interprétations ne permettant pas de tirer toute conclusion – à ce stade – des bienfaits de la mesure.

Une chose est sûre néanmoins, l’abaissement de la vitesse du réseau routier secondaire a permis de faire doubler le nombre de flash de radars, et jusqu’à 5,7 fois plus pour l’un d’entre eux situé en Haute-Loire et détenant le record d’augmentation. En tout, ce sont plus de 500.000 P.V supplémentaires qui ont été envoyés sur le mois de juillet, suivant la mise en place de la mesure. L’objectif du gouvernement étant clair : 400 millions d’euros supplémentaires pour les caisses de la Sécurité routière.

Une mesure qui profitera à l’écologie ?

Autre objectif à l’initiative du projet d’abaissement de la vitesse limite : l’écologie. Selon un rapport de l’Ademe – organisme raccordé au Ministère de la transition écologique – datant de 2014, la mesure mise en place le 1er juillet pourrait à terme réduire de 20 % les consommations des usagers sur ces tronçons.

Une ambition relative et loin d’être certaine, tant bien même que le rapport indique également qu’une baisse de vitesse ne signifie pas toujours une baisse des consommations. A 70 km/h limités, l’automobiliste serait obligé de rétrograder plus souvent, ce qui ferait augmenter les émissions. 80 km/h sera-t-il une vitesse suffisamment élevée pour échapper à cette augmentation ?

Pour nous, une autre explication pourrait exister. A ce jour, il est certain que la consommation d’un véhicule électrique est inférieure à 80 km/h qu’à 90. L’autonomie d’un véhicule dit « zéro émission » n’en est que grossie. A l’heure où l’inégalité d’autonomie entre la technologie et les moteurs thermiques se montre comme l’un des principaux arguments contre l’achat d’un véhicule électrique, la mesure pourrait venir gommer le tout. Tout comme l’augmentation des taxes sur l’essence et le diesel pour feutrer les différences de type économique, la vitesse pourrait à son tour rendre plus attractive la voiture électrique et se montrer comme une solution à court terme.

A suivre…

Quoi qu’il en soit, si la tendance des chiffres de la mortalité routière se poursuit, il ne sera pas surprenant de voir la Sécurité routière davantage promouvoir la mesure, espérant faire baisser le nombre de citoyens jugeant l’abaissement de la vitesse comme « une nouvelle taxe déguisée ». Selon AXA Prévention, ils concernaient les 3/4 des automobilistes, avant ler juillet.


Via Sécurité routière, Gouvernement, BFM-TV, AXA Prévention

Illustrations Drivertraining & NettoFigueiredo via Pixabay

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