Le secteur de la destruction de véhicules hors d’usage (VHU) est en hausse drastique : 25 % de plus en 2017. Alors que la pièce de réemploi sera obligatoirement proposée dans les garages à partir du 1er avril 2019, le recyclage automobile prend de plus en plus d’importance au sein des constructeurs et des gouvernements. A l’aube de nouveaux questionnements avec la démocratisation de la voiture électrique, nous nous sommes penchés sur l’Indra Automobile Recycling, leader français aux 360 000 voitures recyclées par an.
La convergence des acteurs de la croissance dite « verte » a son salon : Pollutec. Organisé tous les deux ans, l’événement lyonnais rassemble les professionnels de l’environnement en termes d’eau, d’air, de la gestion des déchets ou encore d’énergies. Une belle occasion pour un média automobile tel qu’Actu Auto France d’aller à la rencontre d’un acteur du recyclage automobile français : l’Indra Automobile Recycling. L’entreprise leader français du recyclage automobile – auquel Renault détient 50% du capital – a déjà permis de recycler plus de 8,5 millions de véhicules depuis sa création en 1985. Un bon moyen pour se pencher sur le sujet de la voiture « recyclée » et de ses enjeux grandissants.

95% des masses
Face à la question de l’origine des productions de nouvelles énergies et matériaux, la place du recyclage automobile dans la poursuite de ses vertus écologiques est de plus en plus pris au sérieux. En France, le nombre de véhicules hors d’usage arrivant dans les centres agréés pour leur destruction est grandissant. Mais au fait, qu’est-ce que l’on appelle recyclage automobile ?
Depuis le 1er janvier 2015, la réglementation européenne demande à ce que 95% de la masse des VHU détruits soit recyclée. Avant sa mise en application, des centres illégaux et non agréés voyaient passer 30 % des VHU français, selon une enquête publiée par Alexis Schmid, directeur associé chez Gaïa Conseils. Depuis, les objectifs sont davantage atteint. On compte en France plus de 1.700 centres qui collectent des véhicules. Ces derniers sont ensuite référencés puis dépollués de tous produits nocifs (liquide de frein, fluides, batterie, …) pour enfin être démantelés en pièces détachées pour en faire des pièces de réemploi, ainsi que de regrouper les métaux et matières plastiques pour fabriquer de nouvelles pièces.
Dans nos entretiens avec l’Indra, à l’occasion du salon Pollutec, nous pouvions ainsi apprendre que l’objectif des 95% de réutilisation et valorisation des massages avait été atteint (95,7%). Par ailleurs, les ambitions du groupe sont maintenant de mieux gérer les ressources de chaque véhicule, notamment en privilégiant l’extrait de pièces de réemploi (85% des masses à ce jour).

Des matières encore trop chères à recycler
Néanmoins,le secteur du recyclage se confronte à des difficultés. A ce jour,« a chaque fois qu’on gagne un demi-point de pourcentage, on regarde dans quelles conditions économiques cela se fait » nous expliquait Olivier Gaudeau, directeur Ingénierie de Re-Source Engineering Solutions, la filiale recyclage de l’Indra. Depuis 2015, la valorisation à 95% n’a plus beaucoup augmentée. « La directive européenne, de vigueur jusqu’en 2020 ne devrait pas jouer sur l’évolution des taux ». En effet, certains matériaux rencontrent encore des difficultés à être recyclés. C’est notamment le problème rencontré sur les sièges et leurs tissus, l’un des éléments des plus cités par les organismes et centres de recyclages. A ce jour, verres et polyoléfines sont également un frein,notamment vis-à-vis de leur extrait et déchiquetage lors du passage en centre. « Les derniers éléments qui ont du mal à être recyclés possèdent potentiellement des solutions, mais on cherche toujours à faire en sorte que ce soit économiquement intéressant ».
Si le taux actuel communiqué de 95,7% par l’Indra ne devrait pas progresser de sitôt, les objectifs du groupe sont d’optimiser la composition ce taux, autrement dit d’insister surtout sur les 85 points de pourcentages qui sont concernés par le réemploi des matières. « Notre leitmotiv est de travailler à fond la pièce de réemploi, que ce soit d’un point de vue équilibre économique et atteinte des 95% de recyclage des masses » nous confiait Olivier Gaudeau.
Harmoniser les coûts
Par ailleurs, l’Indra ne travaille pas que sur la recherche et développement de nouvelles technologies pour recycler de plus en plus de matériaux au sein des VHU. L’une de ses missions première est la gestion des coûts de ces nouvelles filières de recyclage et valorisation des masses. « On travaille sur les conditions de travail, l’ergonomie, la sécurité,et par dessus tout la productivité » de ces centres, relevait le directeur ingénierie, en mentionnant une étude d’Ademe publiée en 2016 où « une hétérogénéité importante persistait d’un centre à un autre en terme de coûts de traitement ». Ainsi, l’Indra essaye de maximiser le coût du processus de recyclage. « Notre vision industrielle de la chose nous a conduit à penser à optimiser ces temps de traitement,en terme de qualité et d’efficacité ». Selon l’homme, les centres ne sont pas tous logés à la même enseigne. Alors que certains sont à jour avec des technologies spécialisées et des processus rapides,d’autres sont encore à des méthodes artisanales et peu rapides en termes de traitement des VHU. Certains utilisent par exemple des outils d’aspiration spécifiques pour retirer les fluides du véhicule, quand d’autres, « même si la comparaison est un peu exagérée, sont encore à des méthodes de vidange par gravité », indiquait Olivier Gaudeau.

Quand sera-t-il de la voiture électrique ?
On l’aura compris, le recyclage automobile est bel est bien un acteur important dans le cycle de vie d’une voiture, contribuant conséquemment à son impact environnemental. Toutefois, si l’objectif des 95% de masse recyclée pouvait se présenter comme un défi il y a trois ans, le processus – de plus en plus industrialisé depuis– n’a plus qu’à davantage se démocratiser. Et c’est d’ailleurs sur ce niveau que l’Indra opère. Néanmoins, le sujet du recyclage automobile devient de plus en plus apparenté à celui de la voiture électrique. Sommes-nous aujourd’hui au point de recycler les composantes de ces voitures ?
Il en existe 3. Au sein de l’hexagone, trois filières de recyclage de batteries de voitures électriques existent déjà bel et bien. Leur poids et leur visibilité est encore assez restreints, et cela met en lumière l’un des principaux obstacles au secteur : à ce jour, seules les voitures électriques accidentées sont classées comme VHU. Or, comme pouvait nous l’expliquait le responsable de l’Indra, il faut du volume pour pouvoir développer de nouvelles technologies et baisser les coûts. C’est pourquoi à ce jour, « le recyclage des batteries de voitures électriques serait au stade de processus semi-industriel ».Un cap que l’Indra entend bien dépasser, notamment avec Renault dont le département R&D du constructeur collabore activement avec le groupe recycleur (le capital de l’Indra est détenu à 50% par Renault).
Une seconde vie aux batteries ?
Plus à même de répondre à nos interrogations en termes de batteries de voitures électriques,la société Snam basée en Isère et présidée par Eric Nottez vient de mettre en place un plan stratégique pour les 6 prochaines années. En tout, 645 personnes seront recrutées, pour un investissement total de 25 millions d’euros. Le but ? Arriver à produire des batteries issues de composantes à 80% recyclées. Par ailleurs, bien que certains métaux devraient pouvoir être réutilisés de façon simple, le recyclage de batterie électrique ne semble pas pouvoir aujourd’hui affirmer pouvoir produire d’autres modèles de batteries pour voitures électriques. Chez la Snam, les batteries recyclées seront transformées en applications stationnaires principalement pour du stockage ou de la conversion d’énergie. Une seconde vie pour les cellules, circuits imprimés, micro-processus, câblages et boîtiers. En attendant de savoir si ces derniers pourront rester en interne au circuit fermé relatif au secteur automobile…
A propos de l’INDRA Automobile Recycling
- 45 millions d’euros de chiffre d’affaire en 2017
- 364 000 véhicules recyclés horsd’usage sur l’année
- 200 salariés
- Siège social à Lyon
- Renault et Suez actionnaires majoritaires
- https://www.indra.fr/fr/home
Entretien accordé par Olivier Gaudeau (Directeur Ingénierie Re-Source Engineering Solutions de l’Indra Automobile Recycling) à l’occasion du salon Pollutec à Lyon, propros recueillis par Hadrien Augusto
Illustrations Salon Pollutec