Rentrée 2018, année paire synonyme de Mondial de l’Automobile de Paris, l’écrivain et journaliste Thomas Morales publie Éloge de la Voiture aux Editions du Rocher. Face aux débats pour ou contre l’avenir de la voiture, son essai tente de prendre le chemin de la passion et des sentiments. Une déclaration d’amour à la voiture, et un certain crie d’alarme sur un pilier de notre histoire que l’on aurait tendance à oublier.
« Je me souviens … », lisais-je cet après-midi d’été sur un banc. Je me souviens de cette journée, la semaine dernière, à me balader avec un ami dans son sublime coupé Mazda, dans sa génération NB produite en 2002. Le soleil pesant, agrémenté par la chaleur du moteur transpirant du capot. Pourtant, je me souviens aussi d’un sentiment de légèreté, accompagné par une mélodie du petit bloc 1.6 de 110 ch chantant en sortie de virage sur le Mont Verdun près de Lyon. Comme quoi, en 2018, une barquette de 16 ans maintenant nous fait encore nous faire rêver. Toutefois ici, dans mon livre, le souvenir était plutôt raconté par Thomas Morales. Cet écrivain français, passionné d’automobile comme de mode et de cinéma, me racontait à travers ses paragraphes des tas de souvenirs de vie, toujours rythmés par un volant, une banquette, une carrosserie, ou encore un moteur.
Un constat sombre
Mais comment une voiture ne peut-elle plus toucher ? Où est passé le plaisir de conduire et ses voitures au caractère bien à elles ? Thomas Morales voit en notre société un avenir de l’automobile étranglé par l’opinion commune. Entre les critiques d’un moyen de locomotion polluant et dangereux ainsi que par l’emprise des « capitalistes » travaillant sur la voiture autonome et bourrée de technologie, l’auto passion n’existe plus. Ou du moins, plus pour longtemps. Pour l’auteur, nous serions arrivés à un point où parler voiture serait tabou, en être passionné interdit, et en faire l’éloge un scandale. Jusqu’au point où même les stars de cinéma ne pourraient plus poser devant un modèle, de peur de salir son image d’individu écoresponsable.
Une éloge de la voiture
Que cherche finalement l’auteur avec son nouvel essai baptisé Éloge de la Voiture ? Ne pas oublier, tout d’abord, puis, au mieux, se souvenir. Penser à la place qu’a eu l’automobile dans notre histoire – nationale, familiale et personnelle – et le rythme qu’elle adresse à nos vies, les marquages temporels qu’elle ajoute à nos souvenirs. Un livre qui en soit ne participe pas au débat, ne possède pas de réels arguments et de réflexion à long terme. Sans poser de nouvelles bases, l’écrit prend davantage la voie des sentiments. Persuader plutôt que de convaincre, bien que T. Morales ne manque pas de s’engager en interloquant notamment la Maire de Paris dans Lettre à une Andalouse (deuxième partie). Un appel au souvenir, à une certaine bonne foi de chacun.
Notre part d’identité
Pour se faire, Eloge de la Voiture se base sur un recensement de souvenirs automobiles. A travers ceux – personnels – de Thomas Morales, mais aussi de ceux de tous à travers le cinéma et la littérature. On aura d’ailleurs trouvé très agréable de se replonger dans des souvenirs de modèles historiques, de la Mercedes 300 SL à la Citroën 2CV, en n’oubliant pas de rappeler la confrontation Peugeot contre Renault et ses deux philosophies différentes de l’époque des 404 et autres DS : « les deux France ». A tel point que pour l’écrivain, « si on raye les autos, c’est la culture que l’on assassine », pouvait-il écrire dans son ouvrage.
Par ailleurs, à partir de ses propres souvenirs, l’auteur s’interroge sur l’introspection de soi-même que peuvent permettre les souvenirs autos. De la voiture familiale à la première sortie tout seul, T. Morales tache ici de mettre en avant le caractère intime des trajets, en s’opposant aux partisans du simple moyen de locomotion d’un point A à un point B. Finalement, l’auto serait selon lui et à juste titre, une part de notre identité.
Notre avis
Une chose est sûre, avant de lire Éloge de la Voiture, il sera important de retenir une chose : ce livre ne compte pas faire avancer le débat sur la voiture autonome, défendre ou non les nouvelles technologies, voire proposer des alternatives aux pistes cyclables. Avec une argumentation faite de souvenirs et de passion, difficile de ne pas s’alerter sur les premières pages du livre en se demandant à quel moment la prise en considération du réchauffement climatique et de l’épuisement des stocks d’énergies fossiles allait avoir lieu. Pourtant, au fil du livre, notre affirmation des souvenirs automobiles semble davantage se lâcher en nous. Comme inconsciemment occultés par une politique générale tournée vers la transition de la voiture vers une autre solution de mobilité, on aurait presque oublié de lui rendre hommage. Chose faite ici, et avec passion bien évidemment. Jusqu’à fermer le livre, et cette fois-ci participer au débat sur l’avenir de l’automobiliste… avec une petite pensée intime du souvenir de la liberté qu’elle peut procurer, la voiture.
Éloge de la Voiture, aux Editions du Rocher, 232 pages, 18,90 euros. Parution le 19 septembre 2018. Accéder au site de la maison d’édition : cliquez ici.